Burkina Faso : retour sur un coup d’État à rebondissement

Article : Burkina Faso : retour sur un coup d’État à rebondissement
Crédit: Aziz Kaboré
4 octobre 2022

Burkina Faso : retour sur un coup d’État à rebondissement

Crédit : archives RTB

Tout est allé très vite le vendredi 30 septembre 2022 où des habitants de la capitale Ouagadougou se sont réveillés sous des coups de feu, eux qui sont un peu habités à ces moments stressants depuis le départ de l’ancien président Blaise Compaoré en 2014. Même si la majorité de la population n’était plus d’accord avec la gestion du président Damiba et se sentait trahi, il faut dire que cet deuxième coup d’Etat en 8 mois à surpris plus d’un.

Les habitants de Ouagadougou entre inquiétude et interrogations

Si dès les premières heures les informations faisaient état d’une crise interne à l’armée notamment des primes impayés, la population du pays des hommes intègres saura réellement les motivations des jeunes soldats avec l’annonce à la télévision nationale dans la soirée du vendredi 30 septembre la démission du président Damiba de ses fonctions, la suspension de la constitution et de l’assemblée législative de la transition ainsi que la dissolution de la constitution et du gouvernement. Un unième coup d’État, les jeunes militaires avec à leur tête un certain capitaine Ibrahim Traoré se réclamant toujours du Mouvement Patriote pour la Sauvegarde et la Restauration MPSR, mouvement qui avait porté le 24 janvier 2022 le lieutenant-colonel Damiba, disent vouloir écarter leur leader Damiba pour trahison. La population éprouvée par les attaques terroristes à répétition et surtout la dernière en date du 26 septembre à Gaskindé, voit en ce coup d’État une autre occasion de rectifier le tir et restaurer réellement le pays. La vie reprend de nouveau doucement son cours normal dans la capitale burkinabè.

Damiba n’a pas encore dit son dernier mot

Le lendemain samedi 01 octobre le calme revient à Ouagadougou mais avec toujours quelques inquiétudes et questions notamment qu’en est-il devenu du l’ex-président Damiba évincé la veille par ces propres éléments du MPSR. Peu après 11 heures de journée, des coups de feu sont attendus dans la capitale avec cette fois-ci des hélicoptères qui survolent la ville, Damiba a décidé de ne pas se laisser faire et compte riposter. C’est la grande panique à Ouagadougou avec un risque d’affrontements imminents entre frères d’armes. Il faut alors tout mettre en œuvrere pour éviter tout affrontement à Ouagadougou dont les conséquences seront énormes sur le plan humain que matériel.


Les leaders coutumiers et religieux tentent une médiation avec l’aide des présidents de la sous-région


S’engage alors une médiation des leaders coutumiers et religieux pour trouver un terrain d’entente entre les deux parties. Des chefs d’État de la sous-région notamment le président de la Guinée Bissau Umaro Sissoco Embalo vont également s’impliquer afin d’aboutir à une solution négociée et éviter surtout un bain de sang. La population quant à elle reste mobilisée avec un seul mot d’ordre le départ définitif de Damiba. Les heures passent mais rien ne filtre et l’inquiétude monte.


La communication l’autre allié important des nouveaux putschistes


En prenant dès la matinée du 30 septembre le contrôle de la Radiotélévision du Burkina RTBF, les jeunes militaires se donnent un allié de taille. Après plusieurs heures de négociation sans résultats tangibles, les deux parties s’engagent alors dans une guerre de communication. Si Damiba semble avoir repris le contrôle à travers un communiqué sur la page de la Présidence du Faso où il lance un appelle au jeune capitaine et ses compagnons à la raison, les jeunes militaires quand eux dans un communiqué lu à la télévision nationale font savoir que Damiba se serait réfugié à la base française de Komboinsin d’où il préparerait une riposte non contente de leur volonté de changer de partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

Dans la foulée le jeune capitaine de 34 ans plus à l’aise dans la communication accorde trois interviews à des chaînes nationales et internationales. Beaucoup de ses soutiens furieux s’en prennent aux édifices français avec des actes de vandalismes à l’Institut français de Bobo Dioullasso et à l’ambassade de France à Ouagadougou. Damiba est désormais sous pression non seulement des jeunes soldats mais aussi de la rue qui réclame son départ immédiat. Sa démission ne serait alors qu’une question de temps car il n’existe plus de scénario possible dans lequel il reste au pouvoir, car même si les jeunes militaires se retiraient en ce moment une insurrection populaire l’aurait emporté.

La nuit s’annonce très longue pour les burkinabè

La nuit commence à tomber sur Ouagadougou et sannonce très longue pour la population avec la peur au ventre. Beaucoup de personnes se mobilisent un peu partout dans le pays comme Bobo, Kaya, Ouayigouya Koudougou et bien d’autres grandes villes du pays. Tous réclament le départ sans condition de Damiba. Le lendemain dimanche 2 octobre le jour se lève de nouveau sur le Burkina Faso avec toujours les mêmes interrogations et inquiétudes, mais la mobilisation de la population ne faiblit pas. Pas plus que les jeunes militaires plus que jamais déterminer à l’idée de faire tomber Damiba. Au cours de la journée ils assurent avoir pris le contrôle de la situation et invitent la population au calme et à la retenue et à vaquer à ses occupations.


Sous pression Damiba se résigne à démissionner mais exige des garanties


Dans l’après-midi les leaders religieux et coutumiers annoncent avoir trouvé un terrain d’entente entre les deux parties. Damiba a mis sur la table conditions avant de démissionner. Des conditions qui se résument entre autres à sa sécurité et celui de ses collaborateurs, la garantie que lui et ses collaborateurs ne seront pas arrêtés, la poursuite de la reconquête du territoire, du processus de réconciliation nationale, le respect du calendrier négocié avec la CEDEAO, la communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest, pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard en juillet 2024. Le nouvel homme fort du pays le capitaine Ibrahim Traoré accepte ses conditions.


Excite Damiba, place au capitaine Ibrahim Traoré


Après la démission de Damiba acté, le jeune capitaine Ibrahim Traoré est désigné dans la foulée pour assurer l’expédition des affaires courantes en entendant la désignation d’un nouveau président de transition par les forces vives de la nation. Dans l’après-midi le jeune capitaine a rencontré les secrétaires généraux des différents ministères pour faire le point de la situation. Il déclare alors que tout est urgent et ils doivent alors faire en trois mois ce qui devrait être fait au cours des 8 mois de la présidence Damiba.

Crédit : SIG

Le capitaine Ibrahim Traoré un homme timide et réservé


C’est en 1988 que Traoré Ibrahim voit le jour à Bondokuy dans la région de la boucle du Mouhoun où il fait ses premiers pas à l’école avant de rallier Bobo-Dioulasso au lycée mixte dAccart-ville de Bobo où il évolue. Décrit par ses anciens camarades comme « plutôt timide et réservé, mais aussi « très intelligent », le jeune Ibrahim Traoré rejoint Ouagadougou pour poursuivre ses études à l’Université Joseph Ki-Zerbo en 2006 après son baccalauréat. Il intègre l’armée en 2010. 2 ans après, il porte ses premiers galons. Le jeune sous-lieutenant est affecté au régiment d’artillerie, basé à Kaya dans la région du Centre-nord, pour le compte de la 1ère région militaire. Il évolue rapidement, en passant lieutenant en 2014 et capitaine en 2020. Il était jusque-là chef d’artillerie du 10ème Régiment de d’Appui et de Soutien. Il a été nommé à ce poste en mars 2022, par le désormais ex-chef de la junte, le lieutenant-colonel Damiba.

Crédit : SIG


La hiérarchie militaire apporte son soutien au nouvel homme fort du pays


Au cours de la soirée la hiérarchie militaire avec à leur tête le chef d’Etat-major général des armées apporte leur soutien au jeune capitaine. Lui qui doit désormais composer avec une armée moins soudée que de par le passé, et qui doit produire des résultats tangibles au plus vite sur le terrain. C’est donc la fin de 48 heures d’incertitude à rebondissement dont l’issue paraissait incertaine et chaotique.

Crédit : SIG

La population quant à elle entend des résultats tangibles sur le terrain

Si la majorité de la population a applaudi cet énième coup d’État c’est en partie à la dégradation de la situation sécuritaire avec son lot de malheur. Et cet énième coup d’État vient comme une nouvelle occasion de recadrer les choses pour la sécurisation et la restauration du pays. Les nouvelles autorités sont donc attendues sur les sentiers urgents et n’ont plus droit à l’erreur.

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Commentaires

Dabiré Arsène
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Merci beaucoup mon frère

Alberto
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Merci bien

SAWADOGO SOULEYMANE
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Très bon article facile et compressible !
Merci pour tout !
Mais néanmoins il faut revoir la date prévue pour le retour à l'ordre selon le protocole d'accord dynamique avec la CEDEAO qui est au 31 juillet 2024 et non 2023.

Alberto
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Merci bien Dr