Les violences basées sur le genre (VBG) au Burkina Faso: un fléau à la peau dure, exacerbé par la crise sécuritaire et sanitaire

Article : Les violences basées sur le genre (VBG) au Burkina Faso: un fléau à la peau dure, exacerbé par la crise sécuritaire et sanitaire
Crédit: Yameogo Alida
10 octobre 2021

Les violences basées sur le genre (VBG) au Burkina Faso: un fléau à la peau dure, exacerbé par la crise sécuritaire et sanitaire

Les violences basées sur le genre sont une réalité partout dans le monde. Au Burkina Faso, toutes les régions sont touchées, la situation sécuritaire et la pandémie à coronavirus contribuent à les exacerber. Selon le CONASUR, à la date du 30 juin 2021 le nombre de personnes déplacées internes (PDI) était de 1 312071(16,41% d’hommes, 23,04 % de femmes et 60,55% d’enfants). Le plan de réponse humanitaire indiquait en avril 2021 que 2.5 millions de personnes avaient besoin de protection dont 640 000 contre les violences basées sur le genre (VBG).

Selon les Nations Unies, les violences basées sur le genre, appelée aussi « violences sexistes » ou « violences sexospécifiques », décrit des actes préjudiciables commis contre le gré de quelqu’un en se fondant sur les différences établies par la société entre les hommes et les femmes (le genre). Les VBG telles que définies par les Nations-Unies sont perçues comme « toute violence qui s’exerce sur une femme tout simplement parce quelle est une femme ».

Les types de VBG

Les violences basées sur le genre sont de six (06) types parmi lesquelles : les violences physiques qui se définissent comme tout acte ou tout comportement qui porte atteinte à l’intégrité physique de la personne; les violences morales ou psychologiques, tout comportement, propos et attitude qui portent atteinte à la personnalité d’une personne, à son image, à l’estime de soi et à son équilibre intérieur ; les violences sexuelles, toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace, sur une personne; les violences culturelles; toutes pratiques néfastes et dégradantes à légard dune personne tirant leur justification dans les coutumes, traditions et religions; les violences économiques, le fait d’user de ses moyens pour ralentir ou empêcher l’épanouissement économique ou financier de toute personne ou le fait d’empêcher toute personne de jouir de ses droits socio- économique et enfin les violences patrimoniales; tout acte ou négligence affectant la survie de la personne et consistant à transformer, soustraire, détruire, retenir ou détourner des objets, documents, biens et valeurs, droits patrimoniaux ou ressources économiques destinées à couvrir ses besoins et pouvant s’étendre aux dommages causés aux biens communs ou propres à la personne.

Etat des lieux des VBG au Burkina Faso

Au Burkina Faso, 37% des femmes ont été victimes de violences conjugales au cours de leur vie contre 16 % des hommes, 44 % des femmes mariées l’ont été avant 18 ans et 44 % des burkinabè estiment cette pratique justifiée (rapport SIGI 2017). En 2015, 14 519 cas de violences à l’égard des femmes selon les services sociaux du Ministère en charge de la femme). En 2016, cent dix (110) survivants(es) ont été prises en charge par le centre de Baskuy (6H/104F) et en 2019, 119 dont 7 hommes et 112 femmes. Sur 1861 personnes victimes de violences conjugales en 2018, 77,06% sont des femmes (livret Genre 2020). En 2020, 5324 cas de VBG dont 4253 femmes et 1071 hommes ont été enregistré. Du 02 mars au 30 juin 2021, les dénonciations à travers le numéro vert (80 00 12 87), faisaient état de 468 cas de VBG dont 388 femmes et 80 hommes.

Les causes des VBG

Les causes profondes des VBG sont en l’occurrence les abus de pouvoir entre les sexes entretenus par les normes sociales discriminatoires qui créent les inégalités de genre. Il y a les facteurs culturels qui sont les rapports inégaux entre les hommes et les femmes ; les croyances en la supériorité des hommes ; l’acceptation de la violence par les femmes comme un fait culturel normal. Il y a également les facteurs institutionnels à travers la non application ou faible application des textes de lois, lenteur des démarches administratives et judicaires dans le traitement des VBG, faible connaissance des textes juridiques par les femmes et les hommes. En fin il y a les facteurs économiques qui sont entre autres la pauvreté, dépendance financière, faible accès/contrôle aux facteurs de production. Catastrophes et crises : occasionnant le déplacement massif de populations et l’insécurité exacerbent les VBG.

Les conséquences des VBG

Les violences subies par les victimes peuvent avoir des effets multiformes et destructeurs non seulement sur les survivants(es) mais aussi sur leur entourage, la communauté et la société toute entière. Sur la victime il y a les traumatismes psychologiques et physiques, grossesses non désirées, IST, VIH SIDA, faible estime de soi, dépression, toxicomanie, suicide, mort. Sur la famille, la dislocation de la cellule familiale, déscolarisation des enfants, violences intergénérationnelles. Et enfin sur la société : dépenses pour lensemble de la communauté, faible contribution aux efforts de construction de la nation.

Auteurs et lieu des VBG

Les VBG s’exercent aussi bien dans la sphère publique que privée, mais en général les formes de violences les plus difficiles à appréhender s’exercent au domicile. Au BF, lors de l’enquête des ménages en 2010, 15% des femmes ont déclaré avoir été victimes de violence physique ou sexuelle sous leur propre toit et plus de 30% d’un acte de violence, tout acte confondu. La majorité des violences sont exercées par un proche de la victime, ce qui rend difficile l’action de dénoncer et de briser le cercle de la violence par la victime elle-même. Dans la plupart des contextes, certains types de violence ne sont pas considérés comme des violences par les personnes qui les subissent. Aussi, il s’agit d’un sujet tabou qui peine à sortir du cercle familial. Par peur des représailles, les victimes et les témoins auront peur de dénoncer. Avec la criminalisation de certains actes, on peut noter une baisse des cas divulgués. Ce qui a pour résultat la banalisation et sous-estimation de celles-ci dans les données statistiques. Si l’on demande à une femme victime si elle est victime de violence, la réponse la plupart du temps sera non. Si on demande à une mère de déclarer si ses filles sont excisées, la réponse la plupart du temps sera non.

Le gouvernement a mis en place des mécanismes afin de lutter efficacement contre ce fléau

Conscient de la situation le gouvernement a mis en place des mécanismes de lutte contre les VBG en mettant en place un cadre juridique assez protecteur des droits des personnes vulnérables.

Larticle 2 de la Constitution dispose que «la protection de la vie, la sûreté et lintégrité physique sont garanties », il interdit et punit l’esclavage, les pratiques esclavagistes, les traitements inhumains et cruels, dégradants et humiliants, la torture physique ou morale, les sévices, de même que les mauvais traitements infligés aux enfants. Le code des personnes et de la famille de 1990 prévoit des dispositions en faveur de l’égalité entre filles et garçons dans la famille. Cette égalité est consacrée tout au long de leur cycle de vie dans leurs rapports vis-à-vis de leurs parents et réciproquement : non-discrimination. La loi 025 de mai 2018 portant code pénal prévoit des sanctions pour certains types de violences qui n’étaient pas auparavant réprimées ou suffisamment prises en compte. La loi n° 061-2015/CNT du 06 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes ; cette loi fait obligation à toute personne ayant connaissance de la commission d’une infraction d’informer les services compétents ; donne la possibilité à la victime de saisir par voie de plainte ou par tous moyens les autorités compétentes. Les autorités saisies sont tenues de donner suite aux dites saisines ; et prévoit la création de structures spécialisées telles que des cellules au sein des unités de police et de gendarmerie, fonds dappui à la prise en charge des femmes et des filles victimes de violences, Un fonds d’assistance judiciaire aux femmes et aux filles victimes de violences.

Le gouvernement est accompagné dans cette lutte par des ONG notamment le Fond des Nations Unis pour la Population l’UNFPA. Cette dernière a organisé courant mois août et septembre une série de formation dans quatre régions du pays au profit des journalistes et communicateurs; une formation qui a pour objectif d’outiller ces acteurs a mieux communiquer sur la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), notamment les mutilations génitales féminines (MGF) et le mariage d’enfants dans le contexte de covid-19.

Des journalistes et communicateurs outillés sur les #VBG par l’UNFPA

Mécanisme de prise en charge des survivants (es) de VBG au Burkina Faso

Afin de réparer les effets négatifs que subissent les victimes de VBG, il y a une prise en charge à trois niveaux. Il y a la prise en charge psychosociale qui couvre les services et l’assistance proposés pour soulager les dommages psychologiques et sociaux d’une victime de la violence basée sur le genre, la prise en charge sanitaire qui consiste à assurer à tous et toutes les survivant(e)s des soins de base de qualité, ainsi qu’à prévenir et prendre en charge les conséquences de la violence basée sur le genre et en fin la prise en charge juridique et judiciaire, réparer les dommages et préjudices soit sur le plan civil et ou pénal.

Il y a également des stratégies mises en place des principes tels que ; le principe de la sécurité qui consiste à assurer, en tout temps, la sécurité de la survivante et de sa famille ce principe concerne également la sécurité des travailleurs et de leur organisation. Il y a le principe de la confidentialité qui consiste à interroger les personnes en privé, ne partager des informations pertinentes qu’à la demande du/de la survivant(e) et après avoir obtenu son consentement éclairé, conserver tous les documents en lieu sûr en ayant mis en place une technique pour les déplacer ou les détruire en cas de nécessité. Il y a également le principe du respect qui consiste à assurer la présence de personnel féminin pour interroger et examiner les femmes et les enfants et à veiller à ce que les intervenants ne portent pas de jugement et soient sensibles à l’environnement socioculturel de l’intervention. En fin il y a le principe de la non-discrimination, cela consiste à former le personnel aux droits de l’Homme, aux principes humanitaires et à proposer des services et des prestations répondant aux besoins de catégories particulières de survivants(es), comme les hommes et les garçons ou les personnes handicapées.

Beaucoup d’efforts restent à faire pour venir à bout de ce fléau au Burkina Faso

En dépit de ces efforts, la problématique des VBG est plus que d’actualité dans la situation sécuritaire et sanitaire actuelle que vit le Burkina Faso. Les principales mesures prises par le Gouvernement pour stopper la propagation de la COVID-19 ont entrainé une sédentarisation, un chômage temporaire ou définitif forcé et une détérioration des conditions de vie de la population. Cette situation a rendu les relations de certains hommes, femmes, filles et garçons tendues, sources de conflits ayant provoqué une recrudescence des VBG. Vivement que le gouvernement et ses partenaires redouble d’efforts pour une lutte efficace contre ce fléau.

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